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quelques kilomètres seulement doivent nous séparer des plateaux que nous occupions ces jours derniers au bord de l’Aisne, vers Tracy-le-Mont.

Je ne sais quel écho, quelle résonance empêche de reconnaître l’orientation exacte du combat. On se bat à gauche vers Ribécourt et vers Lassigny. La batterie lourde qui bombardait Fresnières s’est tue. Des shrapnells à fumée de soufre ponctuent à présent des silhouettes d’arbres isolés. De derrière des bois, montent des colonnes de fumée noire. Incendies ou éclatements d’obus ? On ne sait.

Mais, ce qui nous inquiète, c’est l’horizon du nord que masquent des lignes de peupliers et où seulement de brèves fusillades révèlent la présence de l’ennemi. Les Allemands ne tentent-ils pas de répondre à l’enveloppement par une manœuvre pareille ?

À la lisière des bois, vers le nord-ouest, se dessinent de grands mouvements de troupes. Une longue colonne d’artillerie serpente, noire, sur la campagne. La marche d’un escadron lointain, au trot, ressemble à une reptation. La campagne tout entière bouge. D’ici, on dirait seulement une ondulation des feuilles de betteraves sous le vent. C’est l’infanterie qui avance en ordre déployé.

Nous prenons position. La terre du champ où s’établit ma pièce est extrêmement molle. Le