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Ce matin la pièce d’eau, sous le soleil, semble en métal blanc. Le petit pont vénitien met une note claire dans les frondaisons et l’eau qui coule dessous, sur de la vase et des feuilles pourries, est toute noire. Le château se découpe sur le ciel pâle. Le sable clair des allées, le vermillon des sauges tachent le vert uniforme des pelouses.

La batterie s’ébranle. Un bruit de mousqueterie et de mitrailleuses accompagne le tonnerre de l’artillerie. L’ennemi résiste à l’enveloppement et fait face. Il faut, sans doute, accentuer le mouvement. Nous reprenons notre marche vers le nord, vers Roye. Le succès de la manœuvre est une question de nombre ; mais avons-nous le nombre à présent ?

Dans un champ au bord de la route, des tirailleurs sénégalais, en uniforme bleu marine, de beaux hommes d’ébène, préparent le café avec ces gestes simples et ces attitudes admirables des primitifs.


Nos officiers, en reconnaissance, se sont éloignés. Au milieu de grands champs de betteraves formant cuvette, près du village de Fresnières, où tombent de gros obus, on nous arrête le long d’un talus.

La ligne de feu, qui forme un angle vers Compiègne, s’étend ici du nord au sud. À vol d’oiseau,