Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/286

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je commence à me laisser engourdir par la fatigue, malgré le froid et la mortelle humidité de mes vêtements collés à ma peau comme des ventouses de glace qui sucent toute la chaleur de mon sang, lorsqu’un piétinement dans l’eau des ornières se fait entendre contre mon caisson. Des hommes passent. Je me dis que quelqu’un a peut-être découvert une grange et les y conduit. Je les suis.

En effet, en quelques instants, ils me mènent à une maison dont la masse se dresse soudain devant moi, plus noire dans la nuit noire.

Du pied, je heurte une échelle. Il y a peut-être une lucarne de grange au bout. Je monte, je trouve un grenier. Le plancher est pourri, il cède sous moi. Je m’accroche à la charpente basse du toit. Un homme dort déjà ici. J’entends le bruit de sa respiration. Je me couche en équilibre sur des poutres, la tête sur un fagot. Il fait presque chaud.


Samedi 19 septembre.


Nous repartons à l’aube. Il bruine. À travers d’interminables futaies de grands hêtres, d’où l’eau s’égoutte pesamment, les bords de la route sont jalonnés de chevaux morts. Des enfilades de tranchées désertes et inondées se perdent dans l’ombre