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fantassins, hâves, se sont couchés sur des bottes de foin qu’ils n’ont même pas déliées. Un homme qu’on ne voit pas, perdu dans la pénombre, respire avec un bruit de moteur.


La canonnade est moins enragée qu’hier. Un parc d’aviation est venu s’établir à quelques centaines de mètres de notre ravin, derrière les granges où se tient aujourd’hui l’état-major. Ce voisinage rend notre position de moins en moins sûre. Les obusiers ennemis cherchent à atteindre les oiseaux posés sur le champ. Ils semblent tirer au hasard. Mais leurs volées s’abattent aux environs de notre parc, tantôt ici, tantôt là.


La journée s’achève sans qu’on puisse entrevoir encore le dénouement de cette bataille qui dure depuis cinq jours déjà.

Seulement, vers le soir, sur la route proche, commence à défiler, se dirigeant vers le sud, vers l’Aisne, le long convoi de carabas marocaines. De l’infanterie suit. Qu’est-ce que cela signifie ? On ne peut se défendre d’une inquiétude.

Le crépuscule s’éteint. Les grandes lueurs d’or des projecteurs commencent à balayer le plateau. Sous leur lumière crue, une meule, la moindre bicoque se découpent d’une façon fantastique, jettent sur les champs de grandes ombres d’encre.