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fonds argileux, un fumier infect où l’on enfonce jusqu’aux chevilles.

Les hommes n’ouvrent la bouche que pour se plaindre ou pour jurer. Dans les taillis voisins on ne trouve plus de bois mort. Tout a été brûlé hier et avant-hier. On ne peut pas faire de feu. Des artilleurs, en passant, nous disent que dans une ferme, près des citernes, il y a encore des fagots. Nous y courons. Sur le plateau, les morts ne sont plus couchés sur les javelles. Mais, au bord de la route de Tracy, qui n’est plus qu’un bourbier, au milieu des betteraves, la terre vient d’être remuée et l’on a planté là deux croix faites de planches sommairement assemblées.

La ferme, où nous venons chercher du bois, est aménagée en ambulance de premier secours. Les bâtiments enclosent une cour carrée. On a rangé au milieu, contre un fumier, les voitures à bâches vertes, marquées de la croix rouge. Dans un coin, des paquets d’ouate, des bandes, des compresses sanglantes lentement se consument.

Au fond des écuries et des étables, par les portes entr’ouvertes, on aperçoit, alignés sur la paille, les malades et les blessés sous les auges et les râteliers vides. Des infirmiers en veste de treillis font la soupe. Un major passe, droit dans sa blouse blanche. On n’entend pas une plainte.

Dans le bûcher, des malades, une dizaine de