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parce qu’un archiduc autrichien s’est laissé assassiner.

Pourtant, qu’attendons-nous de minute en minute, nerveux et désœuvrés dans le quartier consigné, sinon l’ordre de mobilisation ? Des maréchaux de tous âges sont arrivés au Mans hier soir ; aujourd’hui chaque train en amène d’autres. Ils n’ont rien à faire. Un homme vêtu de velours brun à grosses côtes, depuis le réveil, regarde par la fenêtre le va-et-vient des artilleurs et des chevaux dans la cour. Il tire de temps en temps de sa poche une fiole d’eau-de-vie pour en boire une gorgée.

Je suis étendu sur mon lit ; Hutin, le maître pointeur de la 1re pièce, mon ancien, à côté de moi, est vautré sur le sien. Les genoux en l’air, les talons aux fesses, il fume. De bas en haut, j’observe mon paquetage. Il penche. Machinalement je me lève pour le redresser.

— Hutin !

— Quoi ?

— Viens prendre un litre.

— Présent !

La cour du quartier est moins bruyante qu’à l’ordinaire. On ne voit pas de conducteurs revenant du polygone, occupés à déharnacher leurs attelages devant les écuries. On n’entend pas les commandements des officiers et des chefs de pièce,