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— Allez-vous bientôt dormir ? clame, du fond de l’ombre, un canonnier.

— Ferme ta gueule !

— Ferme toujours ta porte, hé, Tartarin !

Des hommes nous montent sur les pieds, sur le ventre, laissent tomber sur nous leurs fusils et leurs sacs. Des récriminations, des injures éclatent. Il ne doit pas être loin de minuit. Moratin se fâche :

— Enfin, c’est-il bientôt fini votre commerce, bougres de mille-pattes ! Autrement, je m’en vais chercher le commandant.

De la paille monte une bordée d’énormes injures. L’artillerie réplique. Des hommes réveillés hurlent :

— La ferme ! Vos gueules !… Vos gueules !…


Vendredi 18 septembre.


Au petit jour, le long des chemins du plateau où la boue crayeuse est profonde, nous croisons de grandes troupes de blessés : des tirailleurs, des zouaves, surtout des lignards. Ils passent à plein la route, d’un pas alourdi qui s’attarde dans les ornières et dans les flaques d’eau.

L’aube est terne. Il est quatre heures et demie. On ne distingue les visages des blessés qu’à l’ins-