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mon état ?… Ç’a été plus fort que moi. J’en ai vu un dégringoler. Les autres m’ont poursuivi, mais mon cheval allait comme le vent… ils m’ont lâché. Alors, j’ai repris mon chemin derrière eux. J’ai trouvé le uhlan que j’avais descendu. Il ne comprenait pas un mot de français, le bougre !… Enfin, j’ai tout de même pu lui f… l’absolution avant qu’il meure. Mais il était temps.


À la nuit, nous rejoignons la batterie. Il pleut. Coucherons-nous encore une fois dehors dans la boue ?

Je retrouve mes camarades de la première pièce, Hutin, Millon, Déprez, couverts de terre, noirs de poudre, hagards.

— Eh bien ?

— Ah ! mon vieux ! me dit Hutin. Sale jour ! Je ne sais pas comment nous sommes là, vrai !… Je ne sais pas. Demande à Millon…

Millon hoche la tête. Il semble à bout de force.

— Gratien est mort.

— Ah !

— Tué en montant à cheval… un petit éclat dans la colonne vertébrale. Il n’a pas bougé… Un obus à travers le bouclier de la troisième pièce. Il n’a pas éclaté… sans ça !… Et un autre pas à deux mètres de notre tranchée.