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arrêtons que derrière une ligne de peupliers qui nous cache. Trois obus s’abattent à la place que nous venons de quitter.

À travers les petits ravins du plateau, et en longeant des taillis, sans encombre, nous regagnons le parc.

Je reprends ma place sur un fagot près du feu de ma pièce, tandis qu’un canonnier, qui est boucher de son état, méthodiquement dépèce un des moutons pendu par la patte au chariot de batterie.

En menant les chevaux boire aux citernes, je coupe au court à travers champs, dans l’espérance de trouver des pommes de terre, des betteraves rouges, ou peut-être des oignons ; l’oignon surtout nous manque. Il faut avaler les nourritures les plus fades, et nous ne connaissons guère d’autre condiment.

Je ne trouve ni oignon, ni pommes de terre. Seulement, au revers d’une butte, sur du blé en javelles, des fantassins sont étendus. On aperçoit de très loin leurs culottes rouges. Ce sont des morts des combats du 12.

Dans un vallon proche, il y a aussi des cadavres allemands. Treize Français et dix-sept ennemis sont tombés là, presque côte à côte. Pourtant les Français semblent plus nombreux. Taches rutilantes sur le jaune des chaumes, ils émeuvent. On voit à peine les Allemands.