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canards, malgré la chaleur de l’incendie, barbottent dans une petite mare verte près d’un fumier cubique. Un autre, dont un éclat a tranché la tête, gît sur le flanc au bord de l’eau.

Sur le grand rideau sombre de fumée qui, d’ici, masque la moitié du ciel, la charpente d’une grange se détache comme une armature fascinante de métal ardent. De grandes flammes jaillissent de la porte et viennent lécher une charrue et une herse abandonnées là. Au-dessus de l’abat-foin, une poulie à monter le fourrage, scellée dans la façade, est rouge. On n’entend presque plus le bruit profond du canon. Le grand pétillement de l’incendie et le grésillement aigre des étincelles dans la mare le couvrent. Un des canards, que pique une flammèche, secoue ses plumes.

— Il était temps d’arriver, me dit le jardinier. Les moutons vont être à moitié cuits.

En effet, la bergerie n’est séparée du hangar, qui brûle, que par un fournil. Elle est pleine de fumée. Les dos des bêtes y sont comme d’autres flocons de fumée plus dense. La porte est ouverte. Les moutons n’ont pas fui ; stupides, ils se sont entassés contre le mur du fond, sous la lucarne qui communique avec le fournil et d’où leur vient l’asphyxie. Ils se pressent. On dirait que, de leurs fronts, ils s’efforcent de renverser le mur.

— Allons, me dit le jardinier. Toi, Lintier,