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Au bord d’un entonnoir, deux gendarmes sont étendus côte à côte parmi les mottes éparses. L’un, un grand homme roux, montre une poitrine béante, et son bras droit, replié étrangement, semble avoir deux coudes. Le corps de l’autre, un brigadier à poils gris, semble intact. Seulement, à la place de l’un des yeux, dans l’orbite, il n’y a qu’un caillot de sang, et l’œil, un œil bleu, pend vers la tempe au bout d’un tendon blanc.

— Pauvre vieux ! murmure l’artilleur-jardinier.

Il se penche sur le cadavre, dont l’horrible face borgne regarde le ciel, et, pieusement, la couvre du képi à grenade et à galon d’argent tombé près du mort.


Derrière un des toits d’ardoises bleues de la ferme, encore intact, éclatent à présent de brusques flambées que, tout de suite, étouffent les amoncellements de la fumée. Un beau sapin conique, d’allure funéraire, se dresse sur l’incendie, dans une étrange majesté.

Nous approchons. Deux chevaux et deux artilleurs gisent le long du mur d’enclos. Ils viennent d’être tués. Du sang à terre est encore rouge. Je reconnais l’un des hommes. Il était ordonnance d’un de nos officiers supérieurs. L’autre est tombé sur la face, les bras en croix.

Un obus a troué la cour de la ferme. Trois