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À cinq cents mètres à peine du parc, les bâtiments d’une grande ferme sous les obus allemands s’allument. Les murs d’enclos des jardins décrivent, sur la nudité des champs de betteraves, un rectangle massif de maçonnerie claire. La fumée monte en volutes, qui roulent d’abord lourdes et ténébreuses, illuminées d’éclairs fauves, puis se fondent en une haute colonne droite dans le ciel calme.

Nous savons qu’il y a là des moutons. Le bombardement a cessé. Je songe à sauver de l’incendie quelques gigots pour égayer notre ordinaire. Deux canonniers de la 12e batterie, dont les voitures sont rangées près de la mienne, ont la même idée.

Sans tarder, nous nous acheminons vers la ferme. Le champ qu’il faut traverser a été retourné hier par les obusiers allemands. L’ennemi pensait sans doute que, hors de sa vue, derrière les bâtiments, de l’infanterie s’était rassemblée. Toute la journée, son artillerie lourde foudroya vainement les betteraves.

Un de mes camarades remarque :

— Ils ont travaillé comme pour planter des arbres en quinconce.

Et il ajoute :

— C’est du travail fait grandement. Je peux bien le dire : je suis jardinier.