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mes et des chevaux, dans la boue et dans l’eau.

Le chef appelle les brigadiers aux distributions. Mais la répartition entre les pièces n’est pas faite et, tout de suite, les hommes s’en vont, préférant attendre au lendemain pour toucher les vivres. Le chef crie, déclarant que, s’il y a alerte, on risque de rester un jour sans manger. Il a raison, mais personne ne l’écoute.

En troupeau, dans des ténèbres si épaisses qu’on a peine à suivre la route, pour ne pas se perdre on crie sans cesse :

— Onzième !… Par là… onzième !…

Des convois nous éclaboussent. Une roue me frôle. On marche longtemps pour ne trouver, comme abris, que de mauvaises granges ouvertes à tous les vents, où une poussière de paille nous isole à peine de la terre battue. C’est là que la batterie, silencieuse, trempée, puant la bête mouillée, s’endort d’un mauvais sommeil, douloureux, frissonnant, sans cesse troublé par les cris des hommes qui rêvent.


Dimanche 13 septembre.


Ce matin, le soleil luit. Il y a encore des nuages amoncelés à l’occident ; mais le bleu, qui nous égaie, finit par envahir tout le ciel. Nous reprenons notre marche en avant.