Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/235

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nos batteries ont ouvert le feu.

Tout de suite, le même délire trépidant s’empare des hommes et des canons. Les pièces sont des monstres hurlants, des dragons en démence qui, à pleine gueule, vomissent du feu à la face du soleil, dont la chute s’achève dans un somptueux crépuscule d’été. Les douilles s’amoncellent et fument. Là-bas, on voit les hommes se débander, courir, s’écrouler en monceaux. Des hauteurs, qui dominent Nanteuil et d’où l’on pourrait compter nos pièces, aucune artillerie ne répond.

Longtemps le massacre continue.

— Ah ! Ils n’iront pas à Paris, ceux-là !

La nuit vient. En ordre, les régiments de ligne se replient par le fond du vallon dont nous occupons une des pentes. Des chasseurs à cheval passent au trot, puis toute une brigade de cuirassiers. C’est la retraite !

Nous sommes battus… battus !… L’ennemi marche sur Paris !

Le soleil n’est plus qu’un croissant sur l’horizon. Les cavaliers allant vers Silly disparaissent dans la poussière qu’ils lèvent. Nous tirons toujours, couvrant de mitraille la plaine de betteraves où, çà et là, des hommes bougent encore.

— Cessez le feu !

On n’a point entendu ou point voulu entendre…