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observée chaque fois que, là-bas, sur la Meuse, il nous a fallu battre en retraite, la campagne s’est peuplée de lignes d’infanterie. Les compagnies, les bataillons sortent des bois, de derrière les haies, surgissent des chaumes, se massent dans les vallons.

— Alors ? demande Bréjard.

— Est-ce qu’ils lâchent, ces cochons-là ?… s’écrie Millon en se croisant les bras.

Anxieusement, le capitaine regarde l’infanterie se mouvoir.

— Non, dit-il. Ce sont des troupes de seconde ligne qu’on fait avancer vers le nord, pour faire face si l’ennemi déborde.

Des ordres : aller prendre position entre Sennevières et Nanteuil-le-Haudouin.

On ne peut plus douter, l’ennemi nous tourne.

Un spasme de colère sauvage nous crispe. Est-ce qu’ils vont passer, aller à Paris ? Aller chez nous pour tuer, piller, violer…

— Ah ! gueule Hutin. Ce que je voudrais en voir de ces cochons-là pour en démolir !

— Au trot ! Au trot ! commande le capitaine.

Penchés sur l’encolure de leurs chevaux, de la voix, du fouet, des genoux et de l’éperon, les conducteurs lancent leurs attelages en avant. À travers les champs nus, le même souffle semble emporter, hommes et bêtes, toute cette artillerie lan-