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garde… Son coude dépasse l’arbre. Il n’a rien.

Deux volées d’obus s’abattent encore à proximité de nos pièces, qui semblent toujours intactes.

Que la nuit est lente à venir ! Ce damné soleil, tout rouge et presque sur l’horizon, ne disparaîtra donc jamais derrière le champ de betteraves ?… On le dirait accroché, immobile.

Hutin injurie cette face éclatante.

Là-bas, le capitaine, d’un grand geste du bras, nous appelle.

Derrière les meules, un cri se répète :

— Aux pièces !

Nous allons tirer. Non. Des ordres sont arrivés.

— Les avant-trains !

Une brume, qui monte des vallons de la plaine, un à un efface les plans. Les lointaines collines, qu’occupe la batterie d’obusiers, se sont perdues dans un brouillard mauve. Mais, de là-bas, ne peut-on pas nous voir encore en silhouettes sur l’occident clair ?

On réunit les trains. Nos batteries s’éloignent. Les obusiers restent silencieux.

À cette heure, le bruit de la fusillade s’égrène. Le canon se tait à son tour. Il tombe sur la campagne un extraordinaire silence. Des incendies, dont les lueurs grandissent à mesure que la nuit se fait, constellent la plaine.