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à l’avant-train le caisson vide, et ils s’en vont au galop, malgré nos cris.

Les obus ne se font pas attendre. Le vent module leurs sifflements. Cela dure des secondes… des secondes…

Ces transes de la mort, qui lentement tombe du ciel, sont un interminable supplice. Tout tremble. Les obus éclatent ; le vent rabat leurs fumées sur nous.

J’entends un râle :

— Hou… hou… hou… hou… hou…

Notre batterie est intacte. Le caisson de ravitaillement s’éloigne en hâte. Un servant de la batterie voisine agonise. Son front troué inonde de sang les culots des obus.

Hutin, toujours assis sur son siège de pointeur, nous crie :

— Mais je les vois tirer, les bougres ! Je les vois… loin… là-bas, à plus de neuf mille mètres. J’ai vu le feu… Ça vient !… Ça vient !… Attention !…

En effet, de nouvelles explosions nous secouent. D’instinct, j’ai fermé les yeux ; de la terre projetée me cingle le visage. Je ne suis pas touché ; un culot bourdonne longtemps. Encore une fois la fumée enveloppe la batterie. J’entends la voix claire du capitaine qui crie à l’adjudant :

— Daumain, faites abriter tout le monde à