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En position de tir, seule une haie de ronces et d’arbrisseaux échevelés nous masque. De plusieurs points de l’horizon, la batterie est certainement visible à l’ennemi. La place n’est pas bonne, mais les environs n’en offrent point de meilleure.

Sur un chemin d’exploitation, près de la première pièce, nos officiers ont établi leur poste de commandement. En avant, le champ de bataille s’ouvre tout grand. Mais, sur la campagne à peine vallonnée qui semble sans mystère, et où nous savons bien pourtant que se jouent les destins en suspens de la France, on ne découvre pas un homme, pas un canon. Le désert tonnant semble immobile sous les obus.

Nous avons amoncelé des gerbes sur nos pièces. Jaunes sur les chaumes jaunes, elles peuvent faire illusion. Et puis, la paille protège bien des shrapnells et des éclats d’obus.

Tout de suite nous nous endormons au soleil, dans l’inconscience de pions qui se laissent jouer, dans le fatalisme où conduit inévitablement la vie précaire de dangers que nous menons depuis un mois.

Un commandement m’éveille. Derrière nous, le soleil a baissé.

— À vos pièces !

Quelque chose de sombre, de l’artillerie peut-être, bouge, là-bas, au pied de collines boisées, à