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hurle comme une tempête de l’Océan. On croirait que c’est d’un cataclysme profond de la terre que vient ce bruit infernal.

On attend. Et voilà que la campagne se peuple. Des bataillons, débouchant de Sennevières, se déploient en tirailleurs et d’autres hommes, des centaines, des milliers qu’on ne soupçonnait pas, surgissent du sein de la terre et fourmillent. Les pantalons, à l’infini, tachent de rouge le vert sombre des champs. Devant les lignes en marche, des lièvres affolés fuient.

Des blessés, en petites troupes, recommencent à défiler. On les aperçoit très loin, mouchetures sombres sur le front lumineux de la route droite sous le soleil.

Il y a quelque part, aux environs, un cantonnement de cuirassiers. Il en passe à pied, sans casque ni cuirasse, la poitrine garnie du matelas de feutre brun jaunâtre renforcé de bourrelets aux emmanchures. Ils portent de grands quartiers de viande fraîche. À droite, aux abords du village, à l’ombre de trois peupliers, près d’un cheval mort, des hommes abattent des bestiaux et les débitent.

On commande :

— Reconnaissance !

La batterie va prendre position. Je n’échappe pas cette fois encore à la petite angoisse que comporte ce commandement.