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— Combien de jours ?

— C’était commencé quand on est arrivé.

— Quand es-tu arrivé ?

— Avant-hier.

Et il répète :

— Il en tombe !

Nous repartons, toujours au trot.

Le ciel bleu, très pur à l’horizon du nord et de l’est, est ocellé de fumées blanches de shrapnells. Des incendies et des obus explosifs, au loin, font des fumées noires.

L’odeur de charogne nous poursuit, nous inquiète, nous obsède, nous fait chercher partout des cadavres.

Soudain, un des chevaux de mon caisson, fourbu, refuse d’aller plus loin et arrête tout l’attelage. Il faut le dételer, l’abandonner. Les autres voitures nous ont dépassés. Avec les cinq chevaux qui restent, on prend le galop à travers champs pour rejoindre la colonne. Les sillons nous secouent tellement qu’il faut se cramponner aux galeries, s’arc-bouter des talons pour ne pas tomber.

Nous rattrapons la batterie, à la traversée d’un village qu’on apercevait de très loin sur la campagne nue. L’ennemi y a cantonné, les portes ont été enfoncées à coups de crosses. Presque toutes les vitres ont été brisées. Les fenêtres ne sont plus