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Mardi 8 septembre.


— Alerte !

La nuit est entière. Dans les foyers, des tisons brasillent encore. On entend toujours le canon. Les grandes lueurs des coups de feu surprennent comme des éclairs. Pas très loin, vers l’est, une ferme, des meules, on ne sait quoi, brûlent. Il fait tiède. On est obsédé par une odeur flottante de charogne.

La batterie s’ébranle ; nous allons au feu.

Au petit jour, à Dammartin, on déchiffre, sur les portes et les volets clos, des inscriptions allemandes, des désignations de cantonnements. Sur un portail de grange, je lis ces mots écrits en gothique pointue : « Gute Leute » (braves gens). Qui donc habite là ?

Nous passons. Le grand bruit lourd du canon semble venir du fond de la terre. Il ne s’interrompt plus.

Une tombe au bord du chemin : une croix de bois blanc qui porte un nom au goudron et que coiffe un shako de chasseur, à gourmette de cuivre. On n’a pas enseveli l’homme assez avant. De la terre remuée, fendillée par le soleil, monte une grande puanteur.

La route est toujours jalonnée de chevaux morts,