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Dans un village obscur, seule une lampe Pigeon brûle dans une cuisine où luisent de grandes casseroles de cuivre.

Il n’y a pas d’abreuvoir ici. Il faut pousser jusqu’à un pré coupé de fondrières où coule un ruisseau. Les berges sont hautes. Les bêtes ne peuvent boire au courant. On leur donne l’eau dans les seaux de toile.

Au retour, un torrent de chevaux encombre la route. D’autres batteries viennent d’arriver.

Un remous m’a poussé contre le mur d’enclos d’un château, lorsqu’une auto, tous feux éteints, fendant la masse des attelages, jette contre moi un flot confus d’hommes et de bêtes dont la pression m’écrase contre la pierre… Une autre auto suit, puis d’autres et d’autres encore, des centaines, silencieuses, interminablement.

On reconnaît, luisant un peu, sous la lune qui s’est levée, les casquettes de toile cirée des chauffeurs de taxis. On entrevoit dans les voitures des têtes penchées de soldats qui dorment.

Quelqu’un interroge :

— Blessés ?

On nous répond au passage :

— Non. C’est la 7e division. On vient de Paris. On va là-bas !…