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mène d’exception, une sorte de monstruosité magnifique : extraordinaire alliance de jeunesse et de maturité, union presque anormale de sensibilité et de science, dualité d’un grand artiste qui est poète par sa faculté virginale de ressentir l’émoi, et docteur par son aptitude à peser et doser la formule. Ainsi, l’émotion de l’adolescent nous gagne d’autant plus que l’écrivain n’a recouru à aucun artifice pour nous la suggérer, mais que, tout au contraire, il s’ingénie à la contenir et à ne la laisser transparaître qu’à peine.

On aperçoit très bien comment ce livre magistral a pris sa forme définitive. Il est le produit de deux moments distincts. Au cours des événements d’août et de septembre, le soldat avait jeté sur son carnet, au jour le jour, et même d’heure en heure, des notes : c’est l’apport du poète. Au cours de sa convalescence, le blessé censure ces documents, et il les met au point : c’est le rôle de l’artiste.