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Montmartre dresse à cette heure sa silhouette noire sur l’occident.

Sous les étoiles, très brillantes ce soir, la campagne reste claire. Seule, la chaussée, sous la voûte des grands arbres en double rang, où flotte une poussière suffocante, est absolument obscure. Un projecteur lointain balaie la plaine. La batterie prend le trot. La route est pavée. Nos voitures cahotent. C’est un martyre. D’atroces douleurs d’entrailles nous tordent sur les coffres. Les reins moulus ne soutiennent plus le buste. Le souffle est court, la poitrine houleuse. Le cœur bat très vite, la tête tourne ; les oreilles bourdonnent. On sue de souffrance. Nous arrêterons-nous, enfin ?

Pendant des heures et des heures, on suit la même route ténébreuse. Mais la colonne a repris le pas. Un énorme phare d’auto ouvre brusquement, sous les arbres, de vertigineuses perspectives de cathédrales, découpe attelages et cavaliers, sortis de la nuit, en une fantastique apparition d’ombres. L’auto passe.

On roule… On roule… Jamais nous ne nous arrêterons !


— Halte !

Enfin ! Nous formons le parc dans un champ. Il faut encore mener les chevaux boire.