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sans charme. Très loin, vers le sud-est, on entend le canon.

Dans les rues, entre les verdures des jardins et les façades claires des villas, la garance des uniformes, le linon des corsages, les bariolages mouvants des ombrelles tachent la foule de points éclatants.

Les zouaves sont descendus des forts.

Aux terrasses des cafés où pas une place n’est libre, parmi les tenues multicolores des chasseurs, des tringlots, des artilleurs, des tirailleurs et des spahis, voltigent les tabliers blancs des garçons. Devant la Poste, aux portes des boulangeries et des pâtisseries, on fait queue, on se porte. Des femmes courent, abordent les militaires, s’informent, cherchant un mari, un fils, un frère, un amant qui doit être arrivé ici.

On se coudoie, on se hèle, on boit, on mange, on fume, on rit. Des familles de bourgeois, placides et curieux, fendent le flot humain de leur petit pas entêté.

Le canon tonne toujours. Mais il faut, pour l’entendre, s’écarter un peu de la grande foule, dans les ruelles entre les jardins.

Il paraît qu’on se bat aujourd’hui sur le Grand-Morin.