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On se regarde :

— Qu’est-ce qui les a laissés passer ?

— C’est ceux du Nord.

— Alors c’est pire qu’en 70 !

— À Compiègne ! répète Hutin, désolé.

Alors la sinistre pensée de la débâcle, de la trahison, toutes les rancœurs de la défaite, des souffrances inutilement endurées monte, comme une marée noire, dans toutes les cervelles.

— Je l’avais bien dit ; on a été vendus, déclare le trompette.

Malgré tout, je ne crois pas à la trahison.

— Vendus ! Pourquoi vendus ? Par qui ?… Par qui ?…

— Est-ce que je sais ? Mais ils ne seraient pas à Compiègne si on n’avait pas été vendus, salement vendus ! Comme toujours ! Comme en 70… Bazaine en 70 !

— Nous avons pu être enfoncés… Ils sont tant !… Trois fois plus que nous ! Et puis, en 70, l’erreur de l’armée de Châlons a été de ne pas aller attendre les Prussiens sous Paris. C’est connu. Si l’armée de Mac-Mahon n’avait pas marché de l’avant, n’était pas allée se faire embouteiller à Sedan, nous n’aurions peut-être pas été vaincus…

Je m’attache à l’idée d’une retraite stratégique. J’essaie de convaincre mes camarades pour me