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Son bras allongé, immense, au bout duquel sa main tremblote, me désigne le nord-ouest.

— Ils sont devant Châlons, les Prussiens, dans le camp.

Je hausse les épaules.

— Vous ne me croyez pas, hein ? Eh bien, j’en viens de Châlons ; un aéro a lancé une bombe sur la gare comme mon train partait. Et puis, ils sont encore ailleurs, les Prussiens, si vous voulez savoir : ils sont à Compiègne ! Vous entendez ?… À Compiègne. C’est sûr. Vous n’avez qu’à demander ici… Tout le monde vous le dira. Ils sont à Compiègne et ils ont pris La Fère en passant.

Je me mets à trembler. Autour de moi, les objets tournent. Vais-je tomber ? Des genoux, instinctivement, je serre mon cheval qui lentement se met en marche, me ramène au parc, ivre, hagard.

Hutin est là. Je lui dis lentement en le regardant en face :

— Hutin ! Les Allemands sont à Compiègne !

— Où ?

— À Compiègne !

Il pâlit et hausse les épaules.

— Non !

— À Compiègne !

— Compiègne ! Compiègne ! C’est à quatre-vingts kilomètres de Paris. Ah ! N… de D…