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Jeudi 3 septembre.


Nous nous sommes arrêtés vers minuit. Des ordres sont arrivés aussitôt. Nous devions partir à la pointe du jour, mais d’autres ordres sont venus nous maintenir ici et nous avons pu dormir jusqu’à neuf heures passées.

Sur la route, dans la poussière, coule à présent le fleuve de l’émigration.

On répète ici que nous avons été remplacés sur la Meuse par le 6e corps, et que nous allons en Haute-Alsace combattre sous les ordres du général d’Amade. Ce nom, très populaire, fait dire :

— Alors, ça va changer !…

J’interroge un chasseur, planton du général Boëlle. Il ne sait rien ou ne veut rien dire.

Il faut faire ranger, dans les champs, les voitures d’émigrants pour livrer passage à l’infanterie du 2e corps d’armée venant de Clermont-en-Argonne et de Sainte-Menehould. Ces troupes semblent avoir été moins éprouvées que les régiments de ligne du 4e corps, mais, pas plus que nous, ces hommes ne savent où on les mène. Ils parlent aussi de d’Amade, de victoires en Alsace, dans le Nord, de victoires navales. Ils ne semblent pas se douter que les Allemands avancent derrière nous.