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— Tu as reçu quelque chose des vieux ?

— Hier, ils vont bien. Ils m’ont dit de bien t’embrasser si je te voyais et de partager le bon qu’ils m’envoient.

Le fantassin cherche dans sa poche.

— Le malheur est que je n’ai pas encore vu le vaguemestre pour le bon. Mais si tu le veux ?

— Garde-le. J’ai encore de l’argent plus qu’il ne m’en faut.

— Bien. L’oncle et la tante nous disent bien le bonjour. Allons… Faut pas que je perde ma compagnie. Il paraît qu’on va se reposer…

— On le dit. Si c’est ça, on est de revue… Au revoir !

Leurs mains se joignent. Le fantassin fait un pas tenant toujours la main de son frère :

— J’dirai aux vieux que je t’ai vu quand je leur écrirai.

— Oui, moi aussi.

L’homme s’éloigne en courant, fendant de l’épaule le flot humain. On le voit encore agiter sa main au-dessus des têtes, en signe d’adieu.

Derrière les régiments de ligne de la 7e division, commence une marche d’une fastidieuse lenteur. Il fait chaud. La poussière, que soulève l’infanterie, nous enveloppe, nous étouffe. La route est jalonnée de chevaux morts.

À Châtel, sur un chemin libre, à gauche, enfin