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Des sanglots. La petite voix appelle encore :

— Maman ! Maman !… Réponds, dis ! Maman !

Les voitures roulent. Un sanglot strident, déchirant, échappé à une gorge étranglée par l’angoisse, me résonne dans la poitrine.

— Maman !

On voudrait s’arrêter, comprendre, porter secours. Il y a là plusieurs enfants. La mère n’est peut-être qu’évanouie. Y a-t-il un homme avec eux ? Et s’il n’y en a pas ? Je voudrais sauter à bas du caisson, courir là. Mais je sais que je ne pourrai pas rejoindre la batterie. Un cavalier met pied à terre. Il crie :

— Je vais faire arrêter le major au passage… On rattrapera au trot !

La lente marche de la colonne nous emporte. Mais l’horreur de ce qui s’est passé là, au revers du chemin, à présent me tient éveillé malgré ma lassitude, tandis que lentement le jour se fait. Je crois que j’entendrai toujours cette petite voix qui appelait : « Maman ! » et ces sanglots d’enfants dans l’aube grise.


Nous atteignons la grande route. Il faut laisser passer l’infanterie de la 7e division. Le corps d’armée bat en retraite. On dit que nous allons embarquer.

Embarquer ! Pour aller où ? Pourquoi faire ? Il