Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aller à lui. À la crête, les cavaliers apparaissent un instant en grandes lignes mouvantes sur l’occident.

Je suis à bout de forces. Malgré mes efforts, je m’endors. Pour demeurer éveillé, il faudrait, je crois, que je garde la pose des sentinelles antiques : un doigt levé, dans l’attitude du silence.


Mercredi 2 septembre.


Les chevaux n’ont pas été dételés et nous avons dormi quatre heures à peine, sur la terre nue, où l’on ne prend pas de repos.

Il faut repartir. La route longe de grands bois. Il fait nuit, une nuit grise, louche, que salissent les premières lueurs d’une aurore terne. Je sommeille, dans ce cahotement du caisson, auquel on se fait, à la longue. Un craquement de bois brisé, un bruit sourd de chutes soudain me réveillent. Je regarde, je ne vois rien. Pourtant il me semble, dans le roulement des voitures, percevoir une plainte, des sanglots. Oui… J’ai bien entendu une voix claire, une voix de petite fille qui appelle :

— Maman ! Maman !

Sur un tas de cailloux, en marge de la route, j’entrevois maintenant la roue d’une carriole renversée, une forme humaine à terre, et alentour des silhouettes d’enfants à genoux.