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À la fin, le tir de l’ennemi s’allonge. Ses obus vont tomber derrière nous, au fond d’un ravin, sur une route où l’on voit, dans d’épais nuages de poussière, des échelons de combat qui s’éloignent au galop.

Des ordres… Nos batteries retournent à Landres.

Sur la chaussée, éventrée par un obus, les débris hachés d’un cheval ; un tronc sans membres, décapité. La tête, qui traîne au bord du fossé, intacte, regarde étrangement le corps avec de grands yeux encore clairs. Un lambeau de chair et de peau alezane a jailli jusqu’au haut d’un talus. L’entonnoir, où se sont répandus les intestins, rougeâtres dans du sang qui achève de noircir au soleil, exhale une odeur de chair vive, de digestion et de fiente, écœurante à vomir.

Il paraît que l’adjudant qui montait ce cheval n’a même pas été égratigné.

De la haute colline qui domine Landres, au nord-est, un régiment de chasseurs à cheval dévale.

Le soleil couchant n’illumine plus le fond du ravin, où nous avons formé le parc, mais il éclaire plus magnifiquement, par contraste, d’une belle lumière orangée, les pentes raides d’où descendent, en bel ordre, les escadrons bleus et rouges, scintillants de sabres au clair. Les chasseurs nous frôlent, puis gravissent l’autre face de la vallée ; le soleil est, tout en haut, un disque rouge. Ils semblent