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— Viens-tu laver ton linge ?

— Oui.

Nous accrochons nos vestes aux basses branches des pruniers, et, nos chemises sous le bras, le torse uniquement paré de nos bretelles, nous descendons au ruisseau.

Justement un petit lavoir couvert s’offre. Nous nous agenouillons au bord de l’eau. Trois jeunes filles, sur l’autre rive, nous font vis-à-vis. L’une d’elles lave des linges sanglants.

Sans penser à mal, Hutin, qui savonne vigoureusement sa chemise, remarque :

— Tiens, on s’est donc déjà battu par ici ? Il y a eu des blessés ?

Je vois la jeune fille rougir jusqu’aux oreilles et les deux autres sourire en lui jetant des coups d’œil de côté.

— Non, dis-je, ce sont nos alliés, nos bons alliés !

Hutin lève le nez, me regarde :

— Nos alliés ?…

Et soudain, il s’esclaffe :

— Ah ! ah ! Les Anglais ! Les Anglais ! Ah ! ah ! Si j’y pensais !…


La matinée est calme. On mange, on fume, on écrit. À midi, les coups nets, brefs, rythmés du 75 commencent à sonner sur des collines proches. À une heure, nous recevons l’ordre d’aller soutenir