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Nos têtes roulent d’une épaule sur l’autre. On s’abîme dans le néant du sommeil. Des conducteurs dorment à cheval. Ils penchent, penchent d’un côté et, à l’instant où ils vont tomber, un instinct les réveille ; ils se redressent. Mais, l’instant d’après, on les entrevoit de nouveau, vacillants, dans l’ombre.

Où allons-nous ? Peut-être l’armée est-elle obligée de se replier sous Verdun, parce que l’ennemi, qui a certainement pris pied sur les hauteurs de la rive gauche de la Meuse, vers Stenay, menace son flanc gauche ? On ne sait rien, on est trop las pour penser, même pour craindre ! Ah ! dormir pendant tout un jour !

Au matin, on nous arrête près de Landres, dans un champ en pente, sous des pruniers. Sauf contre-ordre, nous nous reposerons ici aujourd’hui.

On allume des feux, on secoue les pruniers.

Un appel retentit :

— Au vaguemestre !

Un grand hurlement sauvage y répond. On se rue sur le sous-officier qui apporte un sac plein de lettres.

Des nouvelles, enfin ! Il y a des lettres qui sont en route depuis quinze jours ; les nôtres n’arrivent pas. Quelles angoisses là-bas !

La correspondance lue, Hutin m’appelle :