Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/185

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le village de Tailly passé, la côte pour atteindre le plateau est rude, principalement à l’endroit où la route longe la murette de pierres sèches du cimetière.

Des fantassins, au repos des deux côtés du chemin, ont mis bas leurs sacs et formé les faisceaux. Assis dans l’herbe, ils nous regardent passer de cet air absent et stupide des hommes qui reviennent du combat. Et soudain, sans que le roulement des voitures ait laissé percevoir aucun sifflement, un shrapnell éclate au-dessus du cimetière. Des fantassins s’aplatissent dans le fossé ; d’autres se jettent à genoux, se tapissent contre la murette, les sacs en boucliers sur leurs crânes. Deux hommes, restés debout, ridiculement se cachent la tête dans les feuillages touffus de la haie. Sur les caissons, nous tendons le dos. Les conducteurs activent les attelages.

Un instant, la route passe en vue de l’ennemi. Quand nous nous en apercevons, il est trop tard pour changer de chemin.

Une volée d’obus… Long ! Nous en sommes quittes pour un salut.

Nous nous retrouvons en batterie une fois de plus sur nos positions d’hier, surveillant les côtes prochaines, et nos pièces repérées sur de grands peupliers. La troisième batterie, qui nous accompagnait samedi, a ouvert ici de bonnes tranchées.