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voir ici. Nous découvrons les bois et les prairies qu’il occupe au delà de Beauclair, et que l’artillerie française établie en avant de nous, mais à l’abri des crêtes, couvre de shrapnells.

Au loin, l’infanterie allemande, qui des bois débouche sur une prairie, semble une armée d’insectes sombres sur un tapis d’un beau vert uni. Tout de suite nous ouvrons le feu. Sous nos obus, en hâte, l’ennemi rentre au bois ; nous bombardons le bois.

L’action paraît favorablement engagée ce matin. Des batteries françaises avancent par la route de Beauclair, s’engagent dans la trouée. Sur les collines, qui tout autour de nous forment hémicycle, d’autres batteries établies comme nous à contre-pente, et d’autres encore plus loin, vers les crêtes qui dominent directement la Meuse, tonnent sans répit. Des poussières, des éclairs de feu dans les verdures, révèlent des pièces qu’on ne voyait pas. Le feu de cette position formidable est si violent, que peu à peu l’air se brouille. Une vapeur âcre de poussière et de poudre flotte dans la vallée dont les échos somptueux multiplient le fracas de l’artillerie ; là, les ondes sonores se confondent, se mêlent. Un énorme bourdonnement nous enveloppe, nous assourdit, nous endort.

— Cessez le feu !

Autour des pièces, on s’immobilise. Il est midi.