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grands peupliers, dans l’ombre que le soleil ocelle seulement par places, deux majors ont installé une sorte de table d’opération sur des tréteaux. Des blessés adossés aux talus attendent pour être pansés. Parmi les cailloux, le sang répandu en flaques, l’ouate et les linges rouges, un filet d’eau sourd et coule. Il flotte là une odeur fade de pharmacie et de chairs vives, mêlée à un parfum humide de source.

On apporte un capitaine dont les deux bras brisés pendent de chaque côté du brancard. Un infirmier coupe les manches de sa tunique. Sur la table d’opération, où on l’a porté, cet homme est étrange avec ses deux bras rouges nus et sa tunique de drap bleu qui lui moule le torse. Il soupire profondément pendant qu’on le panse.


Demi-tour par voiture !

À travers champs, par des pentes rudes, nous allons prendre position sur les hauteurs qui commandent la trouée de Beauclair et la route que nous venons de quitter.

Un contrefort, auquel s’adosse la batterie, masque Tailly. Seule, derrière nous, la flèche du clocher, avec son coq singulièrement proche, semble sortir de terre.

À travers la brèche en V, ouverte dans les collines qui dominent la Meuse, l’ennemi peut nous