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— C’est rien. Tiens bon les crins.

Une ambulance passe, pleine de grands blessés. Au lieu de les étendre, on les a adossés aux parois de la voiture pour qu’il en tienne davantage. J’aperçois, sous l’ombre verte de la bâche, une tête ballante, exsangue, et une autre toute rouge de sang. Un caporal, une sorte de géant brun, est assis près du conducteur. Son fusil entre les genoux, un poing à la hanche, il se tient très droit, puissant et grave, coiffé d’un turban de gaze vermeil aux tempes. Du sang lui a baigné l’œil gauche qui s’ouvre étrangement blanc dans l’orbite rouge, a coulé le long de sa moustache tombante, a agglutiné les poils de sa barbe, puis s’est égoutté sur sa large poitrine en éclaboussures et en traînées noires.

Un blessé qui depuis longtemps attendait, assis sur le revers du chemin, s’accroche à la voiture qui l’entraîne.

— Arrêtez, que je monte !

— Plus de place, mon pauvre vieux !

— Je ne peux plus aller.

— Tu vois, c’est plein !

— Sur le marchepied ?

— Si tu peux !

Mais la voiture avance toujours. Un artilleur aide l’homme à se hisser.

Au fond d’un chemin creux, au frais, sous de