Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/179

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— On se tient ! C’est toujours leurs mitrailleuses ! Ah, là ! là !

— Tu souffres ?

— Non !

— Quel effet ça fait-il, une balle ?

— Ça brûle un peu. On ne sent pas grand’chose…

Des hommes atteints aux jambes commencent à passer. Ceux-là souffrent. Ils suent de fatigue et de chaleur, car le soleil, en plein ciel à présent, tombe droit dans le trou où serpente la route. Plusieurs, pour s’aider, ont pris des bâtons dans les haies.

Sur un cheval d’officier, on a hissé un fantassin dont un éclat d’obus a brisé la cuisse ; un brancardier conduit la bête. Le blessé se tient à deux mains à la crinière ; sa jambe droite pend. Un peu au-dessus du genou, par un accroc du pantalon, le sang ruisselle, coule jusqu’au bout du soulier et s’égoutte. L’homme ferme les yeux. Ses paupières violettes, ses lèvres pâlies, sa barbe rousse sur sa longue figure osseuse, lui font un masque de crucifié.

— Ça va ? demande le brancardier.

— Est-ce qu’on est encore loin de l’ambulance ?

— Plus guère. Si tu te sentais tomber en faiblesse, tu le dirais, hein ? Je te descendrais. Ça te fait mal ?

— Oui, ça saigne. Regarde les gouttes sur la route.