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de lumière le long des quais et leurs reflets dans le Rhône… Au-dessus du fleuve l’amphithéâtre de la Croix-Rousse ; ses feux comme des points d’or et au-dessus les étoiles. Où finit la ville ? Où commence le ciel ? Et la Mayenne aux beaux jours d’automne et d’été, ses eaux toutes noires aux reflets somptueux… Les rides qui s’élargissent derrière ma barque troublent ce monde fallacieux de reflets.

Et je mourrai peut-être demain !…

Comme si j’avais su moi-même écrire ces beaux vers de du Bellay, je sens toute la douloureuse nostalgie de ces rythmes et de ces mots :

Quand reverrai-je, hélas ! de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province et beaucoup davantage ?

Plusieurs fois, je murmure, à mi-voix, ces quatre vers.


Dimanche 30 août.


Ce matin, longue marche dans des nuées de poussière. Le soleil nous brûle la nuque. On a soif ; on crache de la boue. Dans un étroit ravin où la batterie s’arrête aux abords d’un village, Villers-devant-Dun, je crois, on dirait que le canon tonne aussi bien à l’ouest et au midi qu’à l’est et