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Vers le milieu du jour, des ordres nous portent jusqu’au bord du plateau, derrière un masque de verdure, avec mission de surveiller le ravin de Tailly et les côtes au sud de Stenay. Et voilà que, un à un, les régiments d’infanterie sortent de la forêt, se déploient, nous dépassent.

— Si j’y comprends quelque chose ! me dit Hutin.

— Et moi !

Il fait chaud. Nous avons soif et nos bidons sont vides.

Jusqu’au crépuscule, l’attente se poursuit. L’ennemi ne paraît pas.

La nuit est close quand on nous envoie cantonner de l’autre côté des bois.

La lune se lève sur la forêt. La marche des chevaux, le roulement monotone des voitures bercent à la longue. On ne demanderait, pour endurer sans se plaindre toutes les misères de la guerre, qu’une heure d’affection, sûre et câline, ainsi, le soir, après une journée passée à guetter ou à combattre. La route est douce et ne nous cahote presque pas. Personne ne parle. On sommeille ou on rêve.

Dans la nuit tiède, on n’entend de bruit que celui de la colonne en marche. Les beaux souvenirs, le passé nous emportent. On oublie les dangers et les misères. On s’éloigne dans l’espace et dans le temps. Lyon, le soir… les grandes lignes