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On reconnaît vite trois traînards et un cycliste. Une troupe, en colonne de marche, sort ensuite du ravin. Dans cet ordre, ce ne peut être encore l’ennemi. La troupe — un bataillon du 101e — passe et disparaît sur le chemin des bois. Mais, dans les plis de la campagne longuement vallonnée qui s’étend au nord-ouest jusqu’aux masses sombres de lointaines forêts, le lieutenant Hély d’Oissel a découvert avec sa jumelle, le long de cheminements qui nous les masquent presque, de grandes masses d’hommes en marche vers l’ouest. Est-ce l’ennemi ? Sont-ce les troupes françaises qui occupaient les hauteurs de la Meuse vers Stenay et qui se replient ?

Nous avons déjà connu à Marville cette terrible incertitude. Le capitaine monte dans un pommier pour mieux voir. Le commandant s’efforce aussi de reconnaître ces troupes. Ils ne distinguent rien. Une buée, — l’humidité de la nuit qui s’évapore, — monte déjà de la terre, trouble les lointains. Si ce sont des colonnes allemandes, elles vont menacer le flanc du corps d’armée en retraite. Un éclaireur est parti au galop en reconnaissance. Le temps passe ; les colonnes s’éloignent. Enfin l’éclaireur revient : ces troupes sont françaises. Il a vu des pelotons de chasseurs en flanc-garde de ces régiments.

Les pieds dans la rosée, immobiles de nouveau, nous attendons l’ennemi.