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qu’est-ce qu’on va prendre ? Enfin, puisqu’on est venus là pour ça !…

— Si on n’était pas vendus, ça marcherait autrement, grogne Tuvache, un cultivateur breton qui ne manque pas de courage sous le feu, mais dont le moral est mauvais.

Et il ajoute, toujours hanté par ses idées de trahison :

— La preuve, c’est qu’ils viennent de passer la Meuse sans embarras.

Bréjard le fait taire.

— Vous êtes plus malin que les autres, vous. On se bat depuis la mer du Nord jusqu’à Belfort ; alors, est-ce qu’on peut juger par un malheureux petit coin ? On les laisse peut-être avancer pour les envelopper ensuite. Il y en a qui en savent toujours plus long que les généraux… Et puis, pendant ce temps-là, les Russes avancent. Laissez faire… On les tiendra peut-être un jour, et alors ils paieront.

On attend les têtes de colonnes ennemies. D’un instant à l’autre elles peuvent déboucher du vallon de Tailly.

Le plateau est tombé à cette immobilité, scintillante de rosée, de la campagne aux premières heures de grand soleil.

Quatre points noirs isolés apparaissent au loin sur la route. Est-ce l’avant-garde allemande ? Non.