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logis qui ouvre la porte. Il n’en reste plus qui dorment ?

Personne ne répond. Dehors, il fait très frais. La nuit est noire. Il n’y a pas une étoile. Déjà les fantassins sont prêts à partir. Ils ont allumé des feux au milieu du village. Leur café achève de chauffer. L’église, une pauvre chapelle agrandie par l’éclairage venu d’en bas, prend des allures de cathédrale. Sa flèche se perd dans les ténèbres du ciel. Des ombres fantastiques dansent sur les murs, et les vitraux s’allument par instants d’éclairs rouges ou verts. Beaucoup de pauvres gens qui fuient l’ennemi sont venus dormir dans la nef, et aussi des soldats qui n’avaient pu trouver de gîte ailleurs. Par le portail grand ouvert, cette nef apparaît étrange, pleine de clartés fugitives, inquiétantes comme des lueurs d’incendie. Sous les reflets éclatants des vitraux sur les dalles, on entrevoit des formes humaines étendues. Sur la place, des fantassins, qui vont et viennent devant leurs feux, projettent à terre, et contre les maisons, leurs ombres démesurées.

Pourquoi cette alerte ? L’ennemi a-t-il réussi à franchir la frontière du côté de Stenay ? On part derrière l’infanterie dont on entend l’énorme piétinement de troupeau en migration. Dans la nuit, on sent ces milliers de présences. D’immenses souffles humains passent ; on perçoit des bruits