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ôté les moisissures, la ration se trouve bien diminuée de moitié. Tandis qu’on fouille les musettes, le vieux accompagne la voiture.

— Tenez !

On lui tend deux boules de pain presque frais.

— Avec un oignon et des dents, ça se laisse manger.

— Merci, vous savez !… Je parie que vous vous privez.

— Mais non, mon vieux ! On en touche comme ça de pleins fourgons tous les jours.

Le bonhomme s’en va, ses pains sous le bras. Je le vois hausser les épaules et s’essuyer les yeux d’un revers de manche.

Une volée de shrapnells éclate au loin sur les bois sombres.

— Tas de vaches ! grogne, entre ses mâchoires, Millon qui a donné son pain.

Et il tend le poing à l’ennemi.

En position pour battre les hauteurs de la rive droite de la Meuse, nous nous séchons au soleil.

Dans l’après-midi, quelques cavaliers, des uhlans sans doute, apparaissent à la lisière d’une forêt lointaine. Une rafale d’obus les fait rentrer sous bois.