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— Il y a encore un plat de perdu, crie Millon. Quel est le cochon qui ne l’a pas ramassé hier soir ?

— Vas-tu faire reculer tes ânes ?… On ne peut pas atteler… J’ai jamais vu un crétin pareil !

Les conducteurs frappent les chevaux, qui, face au vent, se rabattent toujours à droite ou à gauche pour éviter que la pluie ne leur cingle les oreilles. Bréjard se fâche :

— Une jolie pagaie ! Voulez-vous tenir vos attelages droits… Le sous-verge de devant… Vous voyez bien qu’il est empêtré.

— On nous avait pourtant dit qu’on se reposerait aujourd’hui.

— Est-ce qu’ils se reposent, les Boches ?

Le démarrage est difficile. Pendant la nuit, les roues des voitures se sont enfoncées à mesure que la terre se détrempait. Le champ en pente glisse sous les sabots des chevaux.

Sur la route, la batterie prend le trot. La boue jaillit en gerbes sous les pas des attelages. Des hommes, pressés par la colique, s’arrêtent dans le fossé, puis on les voit courir le long de la colonne en se reculottant pour rattraper leurs voitures.

Nous allons prolonger une forte position d’artillerie qui garnit les hauteurs de la Meuse. Des collines, vers Stenay, le bruit du canon nous arrive