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préfère tomber, mourir là, parce qu’on sent que la France perdue, ce serait pire que la mort. Selon son esprit et selon son cœur, chaque soldat sent cela confusément ou d’une façon lumineuse et claire.

Pourtant, au camp, on n’en parle jamais. C’est que les mots qui, en temps de paix, voilaient trop souvent, sous leur grandiloquence, ces sentiments si profonds et si fins, nous offusqueraient à présent. Cette passion, car c’est une passion, habite tout au fond du cœur avec les émotions intimes et sacrées qu’on croirait profaner en exprimant.


— Allez ! Harnachez, attelez ! On part.

La pluie fait tourner les caractères à l’aigre.

— Fais donc attention à ton ours ! Tu vas nous faire tuer.

Hutin crie :

— Détachez-vous vos chevaux pour qu’on prenne les cordes ?… Non ?… Alors, je les détache. Je m’en f… !

— En v’là un idiot ! C’est pas une place où attacher un poulain, à la roue d’un caisson. Il crève le sac d’avoine… Tire-le donc !

Cramone, qui menace son attelage du fouet, répète pour la vingtième fois :

— J’m’en vas vous apprendre les manières bourgeoises !