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à la trahison ! Est-ce que ce n’est pas vous qui réclamez tout le temps l’armée de Langle de Cary pour nous soutenir ? Hein !… Alors, c’est que vous ne vous sentez pas assez grands pour bouffer les Boches à vous tout seuls !…

— Il y a des traîtres, répond le trompette, en hochant la tête. Il y a toujours eu des traîtres et il y en aura toujours pour vendre la France.

— Imbécile ! déclare péremptoirement Hutin.

Presque tous mes camarades pensent comme moi. Il suffirait de renforts sérieux pour que nous prenions le dessus. Même seuls, ici derrière la Meuse, nous arrêterons bien l’ennemi.

Et puis, dans les jours de défaite que nous venons de vivre, quelle émouvante compréhension de la Patrie s’est révélée à nous. Une armée tout de suite victorieuse ne peut atteindre les profondeurs de ce sentiment. Il faut avoir lutté, avoir souffert, avoir craint, ne fût-ce qu’un instant, de la perdre pour comprendre ce qu’est la Patrie. Elle est tout le charme de la vie. Elle est toutes les affections, toutes les joies des yeux, du cœur, de l’esprit. Elle est ce qui fait que l’existence vaut d’être vécue ; tout cela uni, personnifié en un seul être, un être vivant, souffrant, fait de la volonté de millions d’individus : la France !

La défendant, c’est soi-même qu’on défend, puisqu’elle est la raison d’être, de vivre. Alors, on