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d’un servant, occupé à abattre un petit bouleau qui pourrait gêner le tir de sa pièce.

Le silence est trop absolu, l’immobilité de la campagne trop complète. L’ennemi est là. On ne l’entend pas, on ne le voit pas. Il en devient plus redoutable. Cette paix, alors qu’on s’attendait à la bataille, est angoissante. Les nerfs s’exaspèrent.

La retraite du 4e corps devrait être terminée. Le temps passe, l’armée française s’éloigne, l’ennemi approche, s’insinue à travers bois.

Soudain, vers deux heures, une mitrailleuse crépite à proximité, dans la forêt. Un cavalier traverse la clairière au galop, et aborde le commandant. Aussitôt, on amène les avant-trains.

Notre retraite est-elle coupée ? Le bruit saccadé de la mitrailleuse s’accompagne à présent d’une fusillade intermittente. Il faut traverser en biais la clairière pour atteindre un chemin forestier. Très calmes, bien résolus à sauver nos pièces, nous armons nos mousquetons. Mais la colonne s’allonge sur le champ ras sans que nous entendions siffler une balle. Nous atteignons les bois. Il faut se hâter. La route, si elle est encore libre, dans un moment ne le sera peut-être plus.

Penchés sur l’encolure des chevaux pour éviter les basses branches qui menacent de les arracher de leurs selles, mesurant du regard l’étroit pas-