Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/145

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

incertains et ralentis. Cette heure de demi-clarté louche comporte un malaise, une angoisse dont l’esprit, encore pesant de sommeil, se défend mal.

Immobiles dans nos manteaux, autour des pièces, nous pouvons envisager à loisir notre situation dans cette clairière au milieu de la forêt. À notre droite, de l’aveu de nos officiers, on ignore s’il y a des troupes françaises. Or, par là, les bois se poursuivent sans interruption depuis les crêtes que nous occupons jusque vers Remoiville. À gauche, le mouvement du 4e corps doit s’achever. On enseigne qu’il faut normalement dix heures à un corps d’armée pour opérer sa retraite par une route unique. Voilà plus de quinze heures que celle-ci est commencée.

Notre position ici, difficile en soi, va devenir extrêmement périlleuse si le brouillard ne se dissipe pas. On ne distingue rien à cinquante mètres des pièces. L’ennemi peut avancer dans la plaine, menacer l’armée en retraite et nous surprendre.


Ainsi, de tous côtés, les bois, leur ombre, l’inconnu, la surprise. Devant nous, le brouillard et l’ennemi ; derrière nous, la Meuse ; partout le danger.

La Meuse ! Elle nous inquiète. Lorsqu’il nous faudra, à notre tour, battre en retraite, l’ennemi, que rien ne contient à droite, n’aura-t-il pas at-